Malapascua

Les requins tigres (Galeocerdo cuvier) sont souvent aperçus à Monad Shoal, bien que ces rencontres puissent être sporadiques. Les requins-renards se trouvent désormais fréquemment à Kimud Shoal, dans des eaux moins profondes, avec plus de lumière ambiante et un temps de fond plus long.

Plus que des requins-renards

Environ 7 641 îles de l’ouest de l’océan Pacifique forment l’État archipélagique des Philippines. Les eaux du pays font partie intégrante du Triangle de Corail et abritent l’une des biodiversités les plus riches au monde ainsi que des sites de plongée variés. 

Des sujets macro et des plongées de nuit à Anilao aux vastes jardins coralliens de Tubbataha, en passant par les rencontres fréquentes avec les requins-baleines à Oslob et Bohol ou les bancs de sardines à Moalboal, les expériences étonnantes abondent pour ceux qui se renseignent et savent à quoi s’attendre. (Voir tinyurl.com/alertdiver-philippines pour un aperçu des régions de plongée emblématiques des Philippines.)

Parmi toutes ces destinations, Malapascua est sans doute celle qui monte le plus. L’île est réputée pour les rencontres régulières avec les requins-renards, et même si cela justifie à lui seul le voyage, les plongeurs avisés savent que Malapascua offre bien plus.

Comme beaucoup de destinations axées sur la faune, elle a profité de l’absence d’activités humaines pendant la pandémie de COVID-19. Les écosystèmes et la vie sauvage ont prospéré sans la pression des plongeurs, mais une conséquence est que certains opérateurs plus fragiles ont disparu. Ceux qui sont restés ont amélioré la qualité de leurs services, et l’industrie touristique s’est globalement renforcée. Les acteurs locaux ont compris que leur avenir dépendait de la préservation des ressources naturelles, et la différence s’est nettement sentie après la pandémie.  

A diver with table coral.
Un plongeur admire un corail tabulaire vu de dessous.
Yellow boxfish
Les poissons-coffres jaunes sont de bons nageurs capables de se déplacer dans des récifs complexes.

Mon premier séjour sur ce petit bijou des Visayas, l’un des trois principaux groupes d’îles des Philippines, date de 2007, et il ne m’avait pas vraiment impressionnée. Peu de sujets attiraient ma passion ou mon intérêt photographique. Sur l’insistance d’une amie, j’y suis retournée en 2023, et les changements étaient frappants. Les opportunités photographiques se sont multipliées, tout comme la qualité des services. Les opérateurs de plongée semblaient aussi mieux connaître la région. L’expérience avait tellement évolué que j’ai réservé mon prochain voyage avant même de quitter l’île.

Que s’est-il passé en 16 ans ? Les principales attractions — les requins-renards — étaient déjà là en 2007, mais les plongeurs ne pouvaient les observer qu’à partir de 30 mètres, ce qui limitait beaucoup le temps d’interaction et les chances d’une belle photo. Maintenant, on peut les voir en eaux moins profondes, parfois en compagnie de requins tigres. 

Il est rare de pouvoir observer un requin-renard de manière fiable. On peut en voir ailleurs dans le monde, mais Malapascua est unique. Voir plusieurs requins-renards est devenu un rendez-vous quotidien le matin, lorsqu’ils s’approchent des stations de nettoyage connues. Les requins-renards sont discrets et inoffensifs. On les reconnaît à leurs grands yeux et à leur longue queue en forme de faux.  

Le comportement des requins et leurs lieux de fréquentation ont changé pendant les deux années calmes de la pandémie. Avant cela, ils étaient souvent à Monad Shoalune île sous-marine qui s’élève du fond à 200 m de profondeur et culmine à 20 m de la surface. Ça ne paraît pas si profond, jusqu’à ce qu’on s’installe près du fond sableux en voyant le temps de non-décompression s’écouler alors que les requins restent trop loin. 

Quand les requins-renards ont rejoint la toute proche Kimud Shoalbien moins profonde, on a supposé que ce n’était pas seulement dû à l’absence de plongeurs. Les requins tigres, prédateurs plus agressifs et placés plus haut dans la chaîne alimentaire, se sont mis à patrouiller régulièrement Monad Shoal à la même époque. Les requins-renards ont probablement bougé pour se protéger. Kimud est plus petit et plus plat que Monad, mais les requins y sont à seulement 12 à 15 mètres, ce qui permet des plongées plus longues et plus lumineuses.  

A thresher shark (Alopias pelagicus)
Un requin-renard pélagique (Alopias pelagicus) nage à Monad Shoal, au large de Malapascua.
The variable neon slug (Nembrotha kubaryana)
La limace néon variable (Nembrotha kubaryana) peut libérer des toxines pour se défendre contre les prédateurs.

Rencontres avec les requins

De grands yeux noirs et un museau pointu caractérisent la tête du requin-renard. De profil, sa queue très longue, son corps argenté et élancé se distinguent. Observer cet animal élancé, sa queue balayant calmement l’eau comme un serpent sur le sable, ses flancs captant et reflétant la lumière, m’a toujours fascinée. Les requins utilisent leur queue pour se propulser et assommer leurs proies d’un coup de fouet. 

Il n’est pas facile d’approcher un requin-renard de près. Il faut rester patient, calme, presque immobile, en planant à plat ou en appui sur les palmes. Il faut résister à la tentation de suivre le mouvement de la queue, respirer lentement et régulièrement, puis retenir sa respiration quand le requin s’approche. Avec le temps, les requins prennent confiance et peuvent venir très près. 

Le nombre de requins-renards a augmenté, en partie parce que les plongeurs gardent une distance respectueuse des stations de nettoyage. Il est essentiel que les plongeurs respectent l’intégrité de ces stations. Si le récif est abîmé par la pression des plongeurs, les labres nettoyeurs n’auront plus d’habitat et, sans eux, les requins-renards iront ailleurs, vers des récifs moins favorables pour les excursions depuis Malapascua.

Les bandes verticales du requin tigre sur ses flancs font qu’on ne peut le confondre avec aucun autre requin. Ce sont des animaux puissants et agiles, avec une tête large et carrée et des yeux brillants et curieux. Les femelles adultes peuvent atteindre environ 5,5 mètres (18 pieds). Monad Shoal est le site le plus propice pour voir des requins tigres, mais les rencontres y sont plus aléatoires que les observations presque garanties de requins-renards à Kimud.  

Un poisson-scorpion dentelé (Scorpaenopsis venosa) repose dans un corail champignon.
Un poisson-scorpion dentelé (Scorpaenopsis venosa) repose dans un corail champignon.
Lettuce coral (Agaricia agaricites)
Le corail laitue (Agaricia agaricites) recouvre les hauts-fonds de Malapascua.

Les requins-renards et les requins tigres sont habituellement des prédateurs nocturnes, mais à Kimud et Monad Shoal, on peut les voir à l’aube et en début de matinée. Parfois, les requins-renards bondissent complètement hors de l’eau, souvent en chassant les sardines. Les coups de queue sont une méthode efficace pour chasser les bancs, mais un coup mal ajusté peut les projeter hors de l’eau. Ces requins pélagiques vivent normalement au large, donc les croiser sur un récif à des profondeurs accessibles est exceptionnel. Cette expérience magique et irréelle est inoubliable et introuvable ailleurs. C’est ce qui rend Malapascua si spécial.

Après les rencontres matinales avec les requins, vous pouvez passer le reste de la journée à explorer les différents sites voisins, leurs coraux variés et leur faune marine, qui comprend des requins bambous gris, des requins pointes blanches, des anguilles-serpents, des hippocampes, des nudibranches, des aplysies, des poissons lion, des crevettes-mantes et toutes sortes de crabes. Malapascua compte des dizaines de sites de plongée, dont des tombants, des épaves, ainsi que des monts et pinacles colorés. 

Les monts sous-marins sont de véritables foyers de biodiversité, et les écosystèmes florissants au large de Malapascua sont un rêve pour les plongeurs : des jardins de coraux colorés et complexes offrent un décor kaléidoscopique à une grande variété d’espèces marines. Il est préférable d’explorer ces zones avec un guide expérimenté, dont l’œil aiguisé et le respect de l’environnement rendront votre expérience encore meilleure. Un bon guide saura fouiller parmi les gorgones rouges et jaunes pour vous montrer des hippocampes pygmées, des crabes-araignées, des crevettes-mantes, des galathées, ainsi que des crabes arlequins et zébrés. 

Des créatures de récif un peu plus grandes, comme les poissons-balloons, les jeunes poissons-chauve-souris, les seiches, les syngnathes rayés, les crevettes impériales, les crabes orang-outan et les seiches flamboyantes, font également partie des rencontres courantes. La diversité de la faune marine de Malapascua est vraiment impressionnante. 

Les poissons-mandarins — une espèce incontournable pour de nombreux photographes sous-marins — sont présents à Lighthouse Reef. Il faut plonger au coucher du soleil pour les observer, car c’est à ce moment-là que commence leur parade et leur comportement de reproduction, le mâle cherchant à impressionner la femelle. Prendre une bonne photo de ces poissons timides sans les déranger est un vrai défi. Au moment où l’on croit avoir trouvé le bon rythme, ils s’arrêtent brusquement et se cachent dans le récif jusqu’à la nuit suivante.

Gato Island, île nichée dans la vaste mer qui sépare Malapascua et Carnaza, compte au moins cinq sites de plongée uniques, dont Whitetip Alley où l’on peut observer des requins pointes blanches endormis The Guardhouse pour les pygmées. Les habitants de Nudibranch City sont, comme son nom l’indique, faciles à deviner.  

Mandarinfish (Synchiropus splendidus) engage in a courtship ritual
Les poissons-mandarins (Synchiropus splendidus) effectuent leur parade nuptiale sur un récif frangeant au large de Malapascua.

Cette petite île ne mesure que 2,6 kilomètres de long, sans voitures, uniquement des vélos et des motos. Ses plages de sable immaculé offrent de superbes vues au lever et au coucher du soleil, et les bars et restaurants locaux permettent de se sustenter dans ce paradis tropical. Au-dessus de l’eau, le petit îlot rocheux abrite de nombreuses espèces d’oiseaux marins ; en dessous, il constitue un site de reproduction protégé pour les serpents de mer. 

J’ai fait deux plongées et j’ai été étonnée de voir autant de requins pointes blanches endormis et de poissons-grenouilles, aussi nombreux et variés que les nudibranches. Grâce à l’œil attentif de mon guide, j’ai également pu observer des seiches, des hippocampes, des homards et des crevettes nettoyeuses. 
Lîle Gato est si unique que la municipalité de Daanbantayan a financé la construction d’un poste de surveillance qui joue un rôle important dans la protection et la préservation du site, en dissuadant la pêche illégale et en protégeant les réserves marines de la région. La Garde côtière philippine et le Bantay Dagat (la patrouille maritime) assurent la surveillance de ce poste afin de prévenir les activités illégales en mer et de garantir la sécurité des visiteurs. Les étudiants en biologie marine sont encouragés à mener des recherches sur la conservation de la biodiversité à Gato.

Évolutions de la plongée

La première opération de plongée à proposer des sorties pour observer les requins-renards à Malapascua a débuté à la fin des années 1990. Monad Shoal est devenue une aire marine protégée (AMP) en 2002, et à la mi-2015, Monad Shoal et l’île de Gato ont été désignées comme le tout premier sanctuaire pour les requins et les raies aux Philippines. Un amendement à l’ordonnance provinciale sur la pêche et les ressources aquatiques de Cebu, adopté en 2014, interdit la capture, la détention et le commerce de toutes les espèces de requins et de raies dans cette zone.

L’AMP couvre 1,8 km² (soit 0,7 mille carré) avec une zone tampon de 500 mètres autour du mont sous-marin. Les droits d’entrée servent à financer l’installation de bouées d’amarrage et à soutenir les pêcheurs artisanaux locaux. L’organisation de conservation Save Philippines Seas a contribué à la formation d’anciens pêcheurs pour qu’ils deviennent patrouilleurs chargés de faire respecter la réglementation. L’application des lois à Malapascua repose sur un réseau de bénévoles locaux, en collaboration avec le Bureau des pêches et des ressources aquatiques depuis les années 1970.

Après le passage du typhon Haiyan (connu sous le nom de super typhon Yolanda aux Philippines) en 2013, des organisations non gouvernementales (ONG) se sont créées à Malapascua pour protéger et préserver l’écosystème marin. Elles adoptent souvent une approche communautaire, aidant les habitants à devenir plus résilients sur le plan écologique et économique. En retour, ces communautés jouent un rôle fondamental dans les recherches des ONG en fournissant des données précieuses pour leurs études et analyses. Cette collaboration permet aux communautés de se sentir impliquées, de mieux comprendre les enjeux et de prendre des décisions en conséquence. 

Beaucoup de familles de l’île ont des liens culturels, traditionnels et affectifs avec l’océan. Certaines vivent de la pêche artisanale, tandis que d’autres tirent leurs revenus du tourisme et de la plongée. Dans les deux cas, elles ont tout intérêt à protéger l’océan et ses prédateurs au sommet de la chaîne alimentaire, comme les requins. 

Les requins-renards comptent parmi les espèces de requins les plus recherchées par la pêche mondiale. Leur chair est appréciée pour sa grande qualité, leurs longues nageoires sont utilisées pour la soupe d’ailerons, leurs foies pour l’extraction de vitamines et leur peau pour la maroquinerie. Bien que des efforts aient été faits pour les protéger localement aux Philippines, il n’existe aucun accord pour leur protection au-delà des frontières, ce qui est préoccupant puisque les deux espèces suivent des routes migratoires transfrontalières. 

Le Thresher Shark Research and Conservation Project s’est efforcé de promouvoir l’écotourisme. Leur analyse coûts-bénéfices comparative montre que la valeur des requins-renards vivants observés par les plongeurs dépasse celle des requins vendus sur les marchés. Ce constat a reçu un accueil favorable de la part des agences de conservation et des décideurs. De nombreux efforts sont en cours pour préserver ces rencontres uniques qui font de Malapascua un lieu de plongée exceptionnel.


Relaxing on the beach
Se détendre sur les magnifiques plages est une excellente façon de profiter de la surface.

Comment plonger ici ?

Pour s'y rendre : Malapascua se trouve au large de la pointe nord de Cebu. Pour y aller, prenez un vol jusqu’à l’aéroport international Ninoy Aquino de Manille, où vous pourrez prendre une correspondance pour l’aéroport Mactan-Cebu. Ensuite, il faut compter environ quatre heures de route (selon la circulation) jusqu’à la côte, puis prendre un bateau de 30 minutes depuis le port de Maya jusqu’à Malapascua. Lors de la traversée entre Cebu et Malapascua, veillez à arriver à l’embarcadère de Maya bien avant 17 h pour prendre le dernier ferry de la journée. Avant de quitter Cebu, prévoyez des espèces en pesos philippins, car la plupart des ferries, taxis et vendeurs locaux n’acceptent que cette monnaie. Plusieurs liveaboards (croisières-plongée) aux Philippines incluent aussi Malapascua dans leur itinéraire.

Conditions : On peut plonger toute l’année aux Philippines, mais les meilleures conditions se trouvent pendant la saison sèche, de novembre à avril. La mer des Visayas est calme toute la saison, mais la visibilité est optimale de fin février à mai. La température de l’eau varie peu et se situe généralement entre 27 °C et 29 °C toute l’année. Les courants sont généralement inexistants sur les sites proches du rivage, mais peuvent être modérés à forts sur les monts sous-marins et les îles au large.

De juin à septembre, les journées sont souvent chaudes et ensoleillées, avec des pluies en fin d’après-midi et en soirée. C’est aussi la saison des méduses, alors il est conseillé de porter une combinaison intégrale. Les typhons sont possibles de mai à octobre.

Les requins-renards sont présents toute l’année, mais l’île peut être très fréquentée pendant les périodes de vacances comme Noël, le Nouvel An chinois et Pâques.


En savoir plus

Découvrez davantage Malapascua dans cette vidéo.


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