Exercice et Risque de Décompression

Les plongeurs doivent tenir compte de l’intensité de l’exercice et du stress de décompression de la plongée afin de déterminer le délai suffisant entre l’exercice et la plongée. © Stephen Frink

Être en bonne condition physique peut être important, voire crucial, pour la sécurité en plongée. La forme physique joue un rôle à la fois dans les activités normales de plongée et dans les situations d’urgence. Une réponse rapide et efficace à une demande soudaine peut souvent résoudre une situation facilement, tandis qu’une réponse insuffisante peut la prolonger ou l’aggraver. 

Planifier l’exercice physique n’est cependant pas toujours simple. La recommandation générale est d’éviter les exercices vigoureux dans les 24 heures précédant une plongée. Si cette restriction n’est pas un problème pour les plongeurs occasionnels, elle peut poser un dilemme aux plongeurs actifs : comment faire de l’exercice si l’on plonge presque tous les jours ? Il n’existe pas de solution simple, mais comprendre les facteurs en jeu peut aider à prendre des décisions éclairées. 

L’exercice, qu’il soit effectué avant ou après la plongée, peut augmenter le stress de décompression. Bien qu’il n’existe pas encore de technologie permettant de mesurer directement les effets au niveau des tissus, l’exercice préalable à la plongée favoriserait probablement l’activité des micronoyaux, les sites à partir desquels se forment les bulles induites par la décompression. Cet effet pourrait être dû aux microdommages tissulaires causés par l’exercice, surtout celui comportant des impacts répétés. 

L’exercice après la plongée présente des implications supplémentaires en raison de la sursaturation des tissus. Les tissus contenant plus de gaz dissous que l’environnement ambiant sont susceptibles de former des bulles, particulièrement lorsque des forces physiques s’ajoutent. Une fois formées, les bulles agissent comme des irritants, déclenchant une cascade biochimique favorisant les réponses inflammatoires. Pour visualiser le phénomène, imaginez ouvrir une canette de soda après l’avoir secouée.

L’exercice, surtout intense, augmente le stress de décompression. Les exercices impliquant des forces articulaires répétées sont probablement les plus risqués, mais des intensités plus faibles peuvent aussi poser problème. 

En général, la course à pied est plus défavorable que la marche pour le stress de décompression en raison des impacts élevés et répétés. La marche n’est toutefois pas inoffensive, car tout le poids du corps (plus l’équipement immédiatement après la plongée) sollicite le bas du corps. Les jambes deviennent alors de véritables machines à produire des bulles. 

Les recherches sur la décompression menées pour les astronautes en sortie extravéhiculaire offrent un bon exemple. La décompression du niveau du sol à la faible pression du scaphandre crée un stress important. Dans une série d’études, les sujets qui ne marchaient pas du tout au cours d’une journée expérimentale n’ont présenté aucun cas de maladie de décompression (MD). Lorsque les sujets suivaient le même protocole mais effectuaient plusieurs brèves périodes de marche détendue sur place en état de sursaturation, le taux de MD montait à 20 %.¹1 

Les activités sans port de poids sont plus sûres puisqu’elles impliquent moins de stress d’impact. Le cyclisme est moins exigeant que la course, mais le stress augmente avec la résistance ou les montées. La natation est généralement moins stressante que le cyclisme, mais l’effet peut varier : un battement de jambes détendu produit peu de force, tandis qu’un coup de pied énergique en génère beaucoup. De même, la brasse lente ou le dos crawlé génèrent moins de force que le papillon ou un crawl vigoureux. 

Il existe toujours un continuum de stress selon la charge, l’effort et l’efficacité des mouvements. Il ne suffit pas de choisir une activité douce pour les articulations ; il faut la pratiquer de manière à maintenir le stress aussi faible que possible.

La technologie actuelle ne permet pas de quantifier le véritable risque de décompression ni la durée de la période de risque, d’où la nécessité de décisions prudentes. Il devrait y avoir une séparation importante entre l’activité physique et la plongée. Le stress de décompression est un danger invisible, où la frontière entre se sentir bien et subir un accident peut être mince et variable. 

Les marges de sécurité sont essentielles, surtout lorsqu’on ne peut éviter complètement l’effort lié à la plongée. Sortir de l’eau, en particulier avec l’équipement complet, crée un stress important lorsque la sursaturation tissulaire est élevée — c’est la condition de risque maximal. Des stratégies peuvent aider à réduire ou retarder l’exercice post-plongée : prolonger les paliers de décompression, se reposer en surface avant la sortie de l’eau (de préférence en respirant un mélange enrichi en oxygène), retirer l’équipement avant la sortie, et utiliser l’aide d’un équipier ou d’un élévateur pour diminuer la contrainte physique. 

Les plongeurs doivent évaluer l’intensité de l’exercice et le stress de décompression de la plongée pour déterminer un intervalle raisonnable entre les deux. Plus l’exercice est intense et le stress décompression sévère, plus il faut attendre. 

L’intervalle de 24 heures est une recommandation simple pour les plongeurs occasionnels, mais il peut être irréaliste pour les plus actifs. Des compromis seront souvent nécessaires. Privilégier les exercices à faible impact et intensité, ainsi que planifier les efforts les plus intenses autour des plongées les moins stressantes, peut aider. 

Les outils modernes permettent d’évaluer les plongées à faible stress de décompression. Les gradient factors (GF) seront familiers à ceux qui utilisent des ordinateurs de plongée basés sur l’algorithme de Bühlmann. L’affichage du GF de surface — la valeur si vous faisiez surface immédiatement — à la fin de la plongée permet de comparer facilement le stress de décompression post-plongée de différentes plongées. Plus la valeur est faible, mieux c’est. De légères modifications du profil, notamment l’allongement des paliers peu profonds, peuvent aider à abaisser ces chiffres. 

Les personnes qui combinent exercice et plongée, même avec un intervalle apparemment raisonnable, doivent être conscientes du risque accru et attentives à tout effet indésirable. Les sportifs réguliers reconnaissent les douleurs habituelles liées à leur activité ; une douleur ou une gêne atypique pendant la plongée devrait évoquer la possibilité d’un accident de décompression. 

Il faut aussi tenir compte des différences individuelles : la tolérance au stress de décompression et à l’exercice varie d’une personne à l’autre. Ce qui convient à un plongeur peut poser problème à un autre. Il est donc important d’adapter les activités de groupe à ceux qui sont les plus sensibles. 

Enfin, il faut équilibrer le risque lié à l’exercice et celui du manque d’exercice. Une bonne condition physique améliore la réactivité et pourrait augmenter modérément la résistance au stress de décompression. La forme physique doit faire partie des préparatifs normaux de tout plongeur, mais une planification prudente de la plongée, de l’activité physique et une autoévaluation continue contribuent à garantir la meilleure sécurité possible.

En définitive, les plongeurs doivent être bien informés, conscients des stratégies liées à la décompression et à l’exercice, et capables d’évaluer honnêtement les risques. Prendre l’habitude de choisir systématiquement des options plus conservatrices permet de créer des marges de sécurité pour réduire le stress physique et psychologique.


Référence

1. Conkin J, Pollock NW, Natoli MJ, Martina SD, Wessell JH, Gernhardt ML. Venous gas emboli and ambulation at 4.3 psia. Aerosp Med Human Perf. 2017 Apr 1; 88(4):370-6.
doi: 10.3357/AMHP.4733.2017. 


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