Enfant, je dévorais les récits des grandes expéditions antarctiques et j’étais fascinée par ces mondes étranges découverts sous la glace. Aussi incroyable que cela paraisse, je n’aurais jamais imaginé les contempler un jour de mes propres yeux. J’aime explorer toutes sortes d’environnements sous-marins, et la plongée sous glace représentait pour moi un univers à la fois unique et exigeant — un domaine qui m’a poussée à approfondir ma formation et à perfectionner mes compétences.
Depuis, j’ai plongé sous près de 2 mètres de glace dans la mer de Béring, en Alaska, pour réaliser des tournages pour Discovery Channel, et j’ai eu la chance rare de pénétrer à l’intérieur même d’un glacier. J’ai aussi pratiqué la plongée sous glace dans l’Arctique canadien, au Groenland, au Svalbard, en Antarctique, ainsi qu’en de nombreux sites aux États-Unis, notamment à New York et au Michigan. Cette discipline m’a beaucoup appris et m’a souvent ramenée à l’humilité : inondations de combinaison étanche, masques gelés en un instant, détendeurs en débit continu, lignes de sécurité coincées…
Il m’est même arrivé de voir du matériel en plastique casser net, comme des sangles de palmes ou des inflateurs de gilet stabilisateur. J’ai plongé par des températures si basses qu’il fallait retirer l’équipement directement dans l’eau, de peur qu’il ne gèle sur nous. À la sortie, de la glace se formait immédiatement sur la fermeture de ma combinaison, et mon système de gants secs se soudait à la combinaison comme dans un film de science-fiction. Je pouvais littéralement entendre et sentir ma cagoule se cristalliser et se figer sur ma tête.
C’est un exemple extrême, mais il illustre bien à quel point la glace, aussi paisible qu’elle paraisse, recèle un danger insidieux. Alors pourquoi plonger sous la glace ? Parce que c’est une expérience unique, silencieuse et apaisante. En surface, les paysages gelés semblent uniformes, presque monochromes ; mais une fois immergé, on entre dans un autre monde, baigné de bleus éclatants et habité d’une vie marine colorée.
On peut y observer des poissons dont le sang contient un véritable « antigel » et des créatures atteintes de gigantisme polaire, comme des araignées de mer de 30 centimètres ou de gigantesques isopodes de la taille d’une main. Avec un peu de chance, il est même possible de croiser des manchots évoluant sous l’eau autour des icebergs, ou encore diverses espèces de phoques, dont le redoutable phoque léopard. Aucun iceberg ne ressemble à un autre et chacun est en perpétuelle transformation: plonger deux fois sur le même ne donne jamais la même expérience.

La plongée dans un lac d’eau douce gelé est tout aussi aventureuse. Après avoir scié la glace pour ouvrir le site, on peut glisser sous le plafond et observer les bulles figées dans la glace lisse et cristalline.
Que ce soit autour des icebergs ou dans un environnement sous plafond, la plongée sous glace exige un équipement adapté, une préparation minutieuse, une formation spécialisée et des plongées d’entraînement avant de se lancer dans cette aventure glaciale.
Équipement
La préparation à des plongées sous glace réussies commence par le choix du bon matériel. Les équipements se sont nettement améliorés au cours de la dernière décennie grâce aux avancées en matière de protection thermique, notamment avec les systèmes chauffants. Les détendeurs, ordinateurs de plongée et systèmes de gants étanches ont également évolué, offrant aux plongeurs davantage de choix et de flexibilité.
Autrefois, plus votre sous-vêtement était épais, plus il tenait chaud. Mais ces couches lourdes et volumineuses compromettaient la flottabilité et la mobilité. Aujourd’hui, de nouveaux tissus et des techniques de plongée améliorées offrent de meilleures solutions. Les plongeurs récréatifs qui ne souhaitent pas s’encombrer d’un système chauffant avec batterie externe peuvent opter pour des systèmes passifs qui conservent la chaleur corporelle.
La superposition des couches est essentielle. On trouve désormais des sous-couches capables d’évacuer l’humidité ou la transpiration, des sous-vêtements plus fins, moins flottants et pourtant plus chauds, ainsi que des gilets thermiques qui aident à maintenir la température du tronc.
Ceux qui veulent passer plus de temps sous la glace peuvent investir dans un gilet chauffant, des gants chauffants ou même un sous-vêtement chauffant intégral — voire les trois à la fois. Ces systèmes nécessitent une batterie externe (désormais plus compacte) et une valve spéciale sur la combinaison étanche pour brancher l’alimentation. Ces systèmes alimentés sont idéaux pour les plongées prolongées ou multiples dans la journée. Les inconvénients : le coût initial et la charge mentale de bien connecter la batterie à chaque fois.
Les plongeurs perdent beaucoup de chaleur par la tête, les mains et les pieds ; il est donc essentiel de maintenir le confort au-delà du tronc. De bonnes chaussettes sont indispensables, surtout lorsqu’on reste debout sur la glace ou sur le pont froid d’un bateau. Une cagoule épaisse et des sous-gants chauds pour gants secs apportent une aide précieuse. De fines doublures en soie ou en laine mérinos sous mes gants principaux ont fait une énorme différence. Les systèmes de fixation pour gants secs (à joints toriques) existent en différentes tailles et matériaux, et la plupart permettent de changer le type de manchon au poignet ou de retirer les bagues de fixation des gants secs en eau plus chaude.

Plusieurs matériaux existent pour les combinaisons étanches. Le trilaminé est très apprécié en plongée sous glace car il sèche rapidement, reste léger, flexible et pratique pour voyager. Assurez-vous simplement que la combinaison laisse assez de place pour les sous-vêtements thermiques. Les fermetures éclair en plastique sont plus souples, moins sujettes au gel, n’exigent pas d’entretien à la cire comme les fermetures métalliques, et ne s’effilochent pas. Les collerettes et manchons peuvent se remplacer, tout comme les gants secs, mais une fermeture éclair défectueuse est l’une des rares pannes impossibles à réparer sur le terrain. Vérifier son zip avant un voyage de plongée sous glace est donc indispensable.
Éviter le débit continu d’un détendeur est essentiel. Optez pour des premiers étages à membrane, scellés et testés pour les eaux extrêmement froides. L’utilisation d’un premier étage DIN reste la meilleure option. Selon le type de plongée sous glace, il peut être nécessaire de prévoir un plan de secours en cas de débit continu. En environnement sous plafond, il faut pouvoir isoler un détendeur en débit continu et disposer d’un premier et d’un deuxième étage de secours. L’idéal est d’utiliser un robinet en H sur un bloc unique ou de plonger en bi-bouteilles.
Entre la plongée du jour et celle du lendemain, veillez à ranger vos détendeurs avec précaution. Les laisser dehors peut poser problème : si de l’humidité issue d’une bruine ou de la plongée de la veille gèle dans le deuxième étage, cela peut provoquer des dysfonctionnements. Séchez-les scrupuleusement pour limiter les risques de débit continu sous l’eau. Évitez également de trop utiliser l’inflateur du gilet ou de respirer sur le deuxième étage avant la plongée lorsque les températures sont négatives : l’humidité de votre souffle pourrait geler et bloquer le mécanisme.
Les plongeurs ont généralement besoin de ceintures de lest lourdes pour compenser la flottabilité de la combinaison et des sous-vêtements. Un harnais de lest réglable ou une configuration plaque dorsale et wing est moins encombrante qu’un gilet stabilisateur et permet d’ajuster le lest en fonction de l’épaisseur des sous-couches. En bi-bouteilles, on peut placer un poids en V entre les blocs si nécessaire. Un gilet stabilisateur classique reste utilisable, mais attention aux clips en plastique qui peuvent devenir cassants et se briser dans l’eau froide.
Après une plongée sous glace, je recommande d’avoir un bonnet chaud, un cache-cou en laine mérinos pour couper le vent, ainsi qu’une autre paire de gants à enfiler si vous retirez vos gants de plongée étanches. Selon le lieu et les installations disponibles, il est possible que vous restiez un moment dans votre combinaison étanche après la sortie de l’eau. Une boisson chaude, comme du thé dans un thermos, est alors particulièrement réconfortante.
Préparation
Que vous participiez à une expédition lointaine ou à une plongée sous glace locale, testez tout votre équipement exactement comme vous allez l’utiliser en plongée. Cela permet de faire les ajustements avant de partir : vérifier que vos flexibles de combinaison étanche sont de la bonne longueur, que votre gilet ou votre harnais n’est pas trop serré avec toutes vos couches thermiques, que votre combinaison étanche est bien étanche et que votre système de gants secs ne fuit pas. Une certification en combinaison étanche et une bonne maîtrise de son utilisation sont essentielles.
Essayez de régler votre lestage le plus précisément possible en piscine, en carrière ou sur un site local, afin de ne pas avoir à le faire dans une eau glaciale. Si vous utilisez un système chauffant, effectuez plusieurs plongées avec pour développer la mémoire musculaire nécessaire : savoir quoi brancher et où placer le bloc-batterie. S’exercer à des tâches comme accrocher et décrocher votre manomètre, utiliser votre ordinateur de plongée ou déployer un parachute de palier tout en portant des gants secs sera très bénéfique.

À chaque plongée de préparation, vous trouverez toujours quelques points à corriger, mais ces ajustements vous rendront plus à l’aise par la suite et vous permettront de profiter pleinement de l’aventure.
Sécurité
Même en respectant les limites de la plongée récréative, votre matériel peut tomber en panne à tout moment sous l’effet des températures extrêmes. Prenez le temps de vous équiper et soyez méticuleux dans vos vérifications. Lorsque vos mains se refroidissent, vous perdez en dextérité, ce qui complique la résolution des problèmes. Si votre combinaison étanche ou vos gants prennent l’eau, terminez la plongée, retirez les sous-vêtements mouillés et réchauffez-vous progressivement.
La sécurité environnementale passe aussi par le choix du bon iceberg. Faites confiance à un professionnel expérimenté, car les icebergs changent en permanence. Un iceberg échoué (posé sur le fond) est préférable car il est moins susceptible de basculer. Ceux qui sont plats au sommet et sans surplombs présentent moins de risques : les blocs de glace sont moins susceptibles de se détacher et de tomber sur un plongeur ou de déséquilibrer l’iceberg, ce qui pourrait provoquer un basculement.
Plonger autour d’icebergs en eau salée complique fortement la gestion de la flottabilité. Un halocline se forme autour d’un iceberg en train de fondre. Plus vous vous approchez et entrez dans l’eau douce, plus vous vous sentirez lourd et commencerez à descendre ; en vous en éloignant, vous redeviendrez plus positif.
La plongée sous plafond dans un lac gelé implique de transporter le matériel sur des traîneaux et de scier la glace (tronçonneuses ou scies manuelles) pour créer un trou. Rester longtemps debout sur la glace accentue le froid. Si vous portez déjà votre combinaison étanche, tenez-vous sur un tapis en caoutchouc pour éviter que vos pieds ne se refroidissent trop avant d’entrer dans l’eau. Plonger sous un plafond de glace avec un seul point d’entrée et de sortie implique généralement d’être relié en permanence à la surface par une ligne de sécurité afin de toujours pouvoir retrouver le trou de sortie.
Les températures de l’air peuvent varier entre –26 °C et –1 °C (–15 °F à 30 °F), et celles de l’eau descendent parfois jusqu’à –2 °C (28 °F) dans certaines zones comme l’Antarctique, selon la saison et l’emplacement. Ces conditions extrêmes mettent à rude épreuve aussi bien votre matériel que votre organisme.
Une exposition prolongée dans une eau glaciale est néfaste pour les extrémités (mains, pieds, visage) : picotements, douleurs, engourdissements, voire lésions nerveuses durables et hypersensibilité peuvent apparaître. Le port d’une protection thermique adaptée est donc primordial.
Réflexion finale
La plongée sous glace est exigeante, mais la récompense en vaut la peine. Acquérir et pratiquer des compétences essentielles en combinaison étanche vous rendra meilleur dans n’importe quel environnement. Rien ne remplace le temps et l’expérience. Disposer du bon équipement et se préparer correctement vous permet d’être à l’aise dans l’eau et d’accéder à certains des environnements les plus uniques de la planète.
Peu de gens ont la chance de découvrir ces lieux, dont la splendeur compense largement les efforts nécessaires pour y parvenir.

En savoir plus
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© Alert Diver – Q2 2025