Loin de tout et magnifiques, au cœur de la mer d’Andaman
Le royaume de Thaïlande, vaste pays d’Asie du Sud-Est légèrement plus grand que la Californie, partage des frontières terrestres avec quatre pays et maritimes avec un cinquième. C’est une nation souveraine et progressiste qui reste profondément ancrée dans sa culture et ses traditions. Avec la neuvième économie d’Asie, la Thaïlande est aussi l’une des destinations touristiques les plus populaires.
Naturellement pittoresque, la Thaïlande présente d’impressionnantes formations rocheuses de granit et de calcaire, très appréciées pour l’escalade et la spéléologie. Les hautes terres de l’intérieur et des pays voisins constituent les contreforts de l’Himalaya, bien plus au nord, résultat de la collision, du soulèvement et du plissement des plaques tectoniques. Des jungles denses et des vallées fertiles composent l’intérieur du nord, avec des lacs et des rivières qui mènent plus au sud aux plages de sable blanc bordant le golfe de Thaïlande et la mer d’Andaman.
La Thaïlande compte plus de 3 219 kilomètres (2 000 miles) de littoral, dont une grande partie est d’une beauté saisissante. En descendant vers le sud, le pays partage l’étroite péninsule malaise avec la Birmanie et la Malaisie, séparant ainsi le golfe de Thaïlande de la mer d’Andaman.
J’ai été surpris d’apprendre qu’il existe plus de 150 parcs nationaux en Thaïlande et 60 réserves fauniques créées pour protéger et préserver ses forêts et sa faune uniques. Certains de ces parcs ont été établis il y a plus de 60 ans, ce qui montre bien l’attachement des Thaïlandais à la nature et aux grands espaces. Ces parcs ne se limitent pas à la terre ferme : plusieurs englobent aussi des zones marines avec des groupes d’îles formant des sanctuaires marins, dont notre destination : les îles Surin, situées dans le parc national Mu Ko Surin.

Notre aventure a commencé dans la paisible ville portuaire de Ranong, une échappée tranquille à seulement une heure de vol de Bangkok ou cinq heures de route de la trépidante Phuket. Dans les jours suivants, nous avions prévu de nous faufiler entre les nombreuses petites îles et sites de plongée jusqu’à notre destination finale, l’iconique Richelieu Rock.
Le parc national Mu Ko Surin, un système rigoureusement surveillé et ouvert uniquement de novembre à la mi-mai, attire chaque année des milliers de plongeurs. Les gardes du parc contrôlent les bateaux de plongée, la pêche commerciale, le braconnage et d’autres activités afin de garantir la protection de la vie marine, des coraux et de la faune terrestre. Les îles sont isolées, mais Richelieu Rock compte parmi les meilleures destinations de plongée au monde : il est donc probable d’y croiser d’autres groupes de plongeurs.
Lors de notre premier jour, nous avons exploré des pinacles, des stations de nettoyage, des sites macro et des récifs coralliens en bonne santé autour de Koh Chi et de Torinla Pinnacle. Le courant modéré nous a portés le long de pentes douces où les jardins de coraux, ornés de nuées de poissons de verre, ont immédiatement attiré notre attention. Nous avons eu la chance d’observer différentes espèces de poissons récifaux : poissons perroquets, mérous coralliens tachetés, carangues arc-en-ciel, maquereaux et platax (batfish).


Les nudibranches, les blennies et les gobies étaient abondants à Torinla, ce qui en faisait un excellent site de plongée macro. D’immenses blocs de granit semblaient avoir été largués du ciel pour former un amas unique avec quelques rochers épars posés sur le sable. Au premier regard, l’endroit paraît aride. Mais dès qu’on s’approche des blocs, on commence à percevoir l’activité entre eux : la faune macro est abondante à la jonction entre le sable et le récif. Une fois cette richesse découverte, nous avons à peine bougé de notre position, tant il y avait de créatures à observer et à photographier jusqu’à la fin de notre temps de fond.
Yellow Rock et ses pinacles nous attendaient l’après-midi, et c’est là que nous passerions la soirée. Une armada de grands barracudas accueillait les plongeurs dès leur immersion. De gros blocs de granit sur le fond marin formaient plusieurs monticules, petites vallées et mini-murs abritant une multitude de formes de vie marine.
De grandes gorgones témoignaient d’une zone soumise à de forts courants, bien que, lors de notre visite à l’étale, ceux-ci restaient suffisamment doux pour permettre une plongée de l’après-midi relaxante et colorée. Des coraux mous recouvraient de nombreuses dalles de granit, leur donnant une teinte jaune pâle qui valut au site son nom. Les poissons foisonnaient, les stations de nettoyage fonctionnaient à plein régime et les pinacles vibraient de couleurs et de vie. Nous avons joué à cache-cache avec de gros mérous patates, découvert des langoustes sous les surplombs et observé des vivaneaux de mangrove se déplacer nonchalamment. C’est le seul site, avec Richelieu Rock, où nous avons croisé d’autres plongeurs.
Les jours suivants, nous avons exploré les stations de nettoyage de Koh Tachai et de Koh Bon, où des bancs entiers de platax patientaient pour leurs soins quotidiens. Les plongeurs peuvent également apercevoir des requins-léopards à Koh Bon, en descendant sur la pente sableuse pour avoir une chance de rencontrer ces requins magnifiques et dociles.
La plongée de nuit n’est pas facile à pratiquer depuis le rivage en Thaïlande en raison du plateau continental peu profond, mais les profondeurs près de Koh Bon offraient des conditions parfaites. Après le dîner, le capitaine Franck nous fit un briefing de sécurité, et son équipage nous mit en position en utilisant le bateau principal comme plateforme.
L’un des sujets que je recherchais au cours de ce voyage était le serpent marin à ventre jaune, appartenant à la famille des cobras et mesurant en moyenne 1 mètre (3 pieds). Contrairement à d’autres espèces vivant dans les zones côtières peu profondes, ce serpent marin vit en pleine mer. Le pont de plongée bourdonnait d’anticipation tandis que nous mettions à l’eau notre filin lumineux. La recherche pouvait commencer.


J’ai toujours été fasciné par les structures récifales, notamment leurs variations selon la localisation. Dans l’Indo-Pacifique, elles proviennent principalement d’une activité volcanique, donnant naissance à des formations de magma refroidi, de roches ignées et, à terme, de sables plus sombres. En revanche, les récifs de Thaïlande diffèrent de ceux de l’Indo-Pacifique : ils sont le résultat de la collision de plaques tectoniques majeures et mineures et du soulèvement de granit intrusif rattaché aux chaînes himalayennes. Des blocs et rochers de granit aux formes géométriques, créés il y a des millions d’années, sont aujourd’hui recouverts de vie marine et de coraux. La Thaïlande ne fait pas partie du cercle de feu du Pacifique, et cela se reflète clairement dans la composition du socle rocheux.
Les poissons se rassemblent généralement partout où il y a de la structure. Les eaux relativement peu profondes de la mer d’Andaman et son plateau plat favorisent donc une forte concentration de vie marine autour de ces reliefs. L’abondance de poissons dans ces sites est particulièrement réjouissante et témoigne des efforts de conservation menés ici.
Jusqu’à ce stade du voyage, l’énergie et l’impatience de notre groupe n’avaient cessé de croître, mais rien ne nous préparait à ce que nous allions découvrir lors de notre prochaine étape — à condition que la météo le permette.
À environ 45 km (28 miles) du continent se trouve Richelieu Rock (Hin Plo Naam en thaï), un site de plongée en forme de fer à cheval, avec des roches affleurantes qui percent la surface. D’octobre à mars, Richelieu est totalement exposé aux éléments et aux conditions changeantes, sans aucune autre île ou structure à des kilomètres à la ronde.
Nous nous sommes réveillés face à une prévision de vents forts et de pluie possible, avec une alerte pour petites embarcations. Les bateaux de jour venant du continent ne pouvaient pas quitter leur port, mais notre bateau de croisière n’était pas petit, et nous avons pris la mer prudemment. Dame Nature a levé une tempête qui faillit nous contraindre à faire demi-tour, mais elle se déplaçait rapidement et nous a largement épargnés.
Nous avons été seuls sur Richelieu Rock pendant plus de deux jours, ce qui nous a permis d’explorer et de vivre ce site dans toute sa splendeur. C’était le site le plus poissonneux que j’aie jamais plongé, dépassant toutes mes attentes. L’énergie brute et le mouvement de la masse de poissons rassemblés et en chasse étaient audibles de manière distincte. Jusqu’ici, la plupart des récifs que nous avions visités abritaient des nuées de poissons de verre, mais ici, ils recouvraient toute la structure, générant de véritables frénésies alimentaires parmi les poissons prédateurs résidents.


Notre première plongée fut une mise à l’eau matinale près de la roche affleurante. En descendant, le récif paraissait flou. Je ne savais pas comment décrire ce que je voyais au départ, car la structure semblait bouger. J’ai rapidement compris qu’il y avait tant de poissons de verre qu’ils masquaient les détails du récif en dessous.
L’eau était sombre et épaisse de plancton, et le courant modérément fort. Les carangues géantes et les poissons-empereurs maraudeurs régnaient sur le rocher, chassant en bancs compacts en détachant les poissons de verre de leurs nuées. Ces prédateurs n’épargnaient aucune proie et maintenaient le récif entier dans une agitation constante, une nervosité palpable parmi les petits poissons. L’activité, d’abord déroutante, paraissait rythmée de manière aléatoire et explosive. Je brûlais d’impatience de replonger après chaque intervalle de surface, qui me semblait passer plus lentement que le précédent.
Il faut plusieurs plongées pour absorber toute la beauté de Richelieu Rock, et j’étais heureux que notre itinéraire inclue deux jours et demi sur place. Être le seul bateau de croisière présent était la cerise sur le gâteau.
Les zones extérieures du récif descendent en pente abrupte jusqu’au sable, entre 30 et 37 mètres, où le fond s’aplanit. Des roches calcaires s’entassent et forment une structure en fer à cheval, ponctuée de plusieurs pinacles. L’intérieur, protégé du courant, forme une vallée remplie de vivaneaux, platax, poissons-trompette, barracudas et bien d’autres espèces. C’est comme plonger dans un aquarium, avec un rythme apaisé qui contraste fortement avec les chasses incessantes sur la partie externe du récif.
Les blocs rocheux supportent un réseau récifal coloré : coraux mous violets, tapis d’anémones, éventails de mer, gorgones et différentes espèces d’éponges. Les opportunités macro sont aussi excellentes, avec des rencontres fréquentes de syngnathes fantômes, de crevettes arlequin et de divers nudibranches. Mais je n’ai pas eu le cœur à chausser mon objectif macro : il se passait trop de choses, et j’ai passé chaque seconde la tête en alerte à guetter les pélagiques.
Le pinacle nord était le plus actif, et j’y ai passé la majeure partie de mon temps. Installé près du sommet du récif, je pouvais observer et écouter les bancs massifs de carangues coordonner leurs attaques contre les vivaneaux et les poissons de verre. Ils redirigeaient les bancs de petits poissons de gauche à droite avec un tempo croissant, leurs virages devenant toujours plus serrés et rapides, jusqu’à ce qu’un groupe finisse par manquer la manœuvre : les carangues voraces les dévoraient alors en un éclair. Toutes les demi-heures environ, le récif explosait d’activité, suivi d’un silence soudain et d’une accalmie temporaire. Ce cycle s’est répété toute la journée jusqu’en fin d’après-midi.
En raison de l’isolement de Richelieu Rock, on ne sait jamais ce qui peut arriver. Mieux vaut toujours garder un œil vers le large, car la densité de vie marine attire des visiteurs de passage. Lors de notre dernière matinée de plongée, notre équipe fut la première à l’eau. En descendant le long des parois externes du récif, j’ai levé les yeux et aperçu une ombre gigantesque : la silhouette reconnaissable entre toutes d’un requin-baleine traversant un nuage dense de poissons-appâts. Tandis que je photographiais avec enthousiasme, j’ai manqué le passage de deux grandes raies mantas. Cette rencontre bonus a couronné nos journées à Richelieu Rock et m’a laissé des gigaoctets d’images à trier.
En regagnant notre port de Ranong, nous avons partagé nos photos et nos récits de voyage. Même si chacun avait vécu des expériences différentes, nous étions tous d’accord sur le succès du parc national Mu Ko Surin. Les îles Surin figurent parmi les joyaux de la plongée en Thaïlande, et leur état s’est nettement amélioré depuis leur classement en parc national.
La Thaïlande éveillera vos sens, stimulera votre esprit et vous donnera l’envie de revenir explorer cette partie du monde à la beauté humble et fascinante.
Comment y plonger
Pour s'y rendre : Prenez l’avion jusqu’à l’aéroport Suvarnabhumi, l’un des deux aéroports internationaux de Bangkok, et assurez-vous que votre vol de correspondance vers Ranong parte bien de là, ou volez directement jusqu’à Phuket. Des taxis et des services de VTC comme Grab (l’application de transport la plus utilisée en Asie) sont facilement disponibles. Attendez-vous à des embouteillages où que vous alliez, et prévoyez toujours du temps supplémentaire. Des visas sont accordés à l’arrivée pour la plupart des nationalités, mais les voyageurs peuvent également demander un e-Visa à l’avance.
La Thaïlande a un pied dans la modernité et l’autre fermement ancré dans la tradition. La langue nationale est le thaï, avec plusieurs dialectes régionaux. La plupart des habitants parlent un peu anglais, et les déplacements sont à la fois sûrs et simples. La monnaie officielle est le baht thaïlandais. Les droits d’entrée au parc national Mu Ko Surin s’élèvent à 500 bahts (environ 15 USD) par jour.

Planification de la plongée Le parc national Mu Ko Surin est situé dans une zone reculée de la mer d’Andaman et se découvre uniquement en croisière-plongée de plusieurs jours. Selon l’itinéraire, les bateaux partent de différents ports et ne reviennent pas toujours à leur port d’origine. Comptez de sept à dix jours de plongée, avec quelques jours supplémentaires pour profiter de Bangkok ou de Phuket. Les croisières de cette région affichent complet au moins un an à l’avance, donc réservez tôt et prévoyez au moins huit plongées sur Richelieu Rock.
Conditions : L’eau est chaude toute l’année, avec une visibilité variable selon les mois. De novembre à janvier, attendez-vous à un temps capricieux et à une visibilité réduite. Elle devient exceptionnelle de février jusqu’à la haute saison, en avril et mai. Le parc est fermé pendant la saison des pluies, de la mi-mai à octobre.
En savoir plus
Découvrez davantage ce que les îles Surin de Thaïlande ont à offrir grâce à une galerie photo bonus et à cette vidéo.
© Alert Diver – Q2 2025